lundi 30 novembre 2015

12 -

Déjeuner au Broken Arm avec P. La soupe tomate/wasabi réchauffe un début d'automne un peu rude, rempli de recherches qui n'en finissent pas. Les rendez-vous s'enchaînent sans vraiment d'utilité, et quand je pense enfin toucher au but je me prends une nouvelle porte en pleine tête. Je me console comme je peux en me disant que de toute manière, en ce moment c'est compliqué pour tout le monde. Ça ne marche pas trop, mais je n'ai encore rien trouvé de mieux. 
Un après-midi, je pousse la porte de la médiathèque Marguerite Audoux. Tous les dvds de Chantal Akerman ont été empruntés, mais je fais une razzia sur ceux d'Otar Iosseliani. Bien calés dans mon sac, en sortant : Adieu plancher des vaches, Lundi matin, Les Favoris de la lune. Direction : le musée d'Art moderne. Dans l'exposition Warhol Unlimited, les gens se bousculent. Le musée est privatisé pour l'occasion, et on a l'impression que les gens ne font le tour que pour attendre l'heure d'ouverture du buffet. Le screen test d'Edie Sedgwick émeut aux larmes, Dennis Hopper est éternellement beau sur le sien, et je bloque devant une vidéo de Marie Menken, inconnue jusqu'ici et qui me rappelle un peu le travail de Jonas Mekas.

vendredi 25 septembre 2015

11 -



Tombée du lit, un matin, j'en profite pour prendre le métro direction le MK2 Bibliothèque et la projection de Queen of Earth. Je baille un peu dans la manche de mon sweat, et la cafétéria est fermée, mais je trouve un coffret Philippe de Broca/Jean-Pierre Cassel à la boutique du cinéma (ah, L'Amant de cinq jours...) et je suis bien contente d'avoir fait le déplacement. Queen of Earth est un beau film sur la dépression et la paranoïa,qui me donne inexplicablement envie de voir Répulsion de Polanski.
Un soir, je fais l'effort surhumain de lutter contre une flemme monstrueuse pour aller à la Maison de la Poésie, écouter une conférence de Christine Angot, préambule à la lecture de son dernier roman, Un Amour impossible. Si je ne l'ai pas encore lu, perdue que je suis en ce moment dans les romans de Sofi Oksanen,  je me laisse porter par la voix de Christine Angot qui parle de sa difficulté à écrire son livre. Comme on me le fera remarquer plus tard, Christine Angot, elle, n'a pas abandonné l'écriture malgré les difficultés. J'hésite à pleurer un peu quand elle entonne une chanson de Dalida sur laquelle ses parents avaient dansé, mais je me retiens, la salle est pleine à craquer et je n'ai pas envie de me faire remarquer. Le lendemain, allongée sur le canapé, je relis Sujet Angot, et me dit que voilà, c'est ça, voilà ce à quoi je tends. Réussir ça. J'en suis loin, pourtant. Peut-être un jour.
Sur Arte, Roland Barthes explique qu'au fond, on n'écrit jamais que pour être aimé, et que somme toute ça ne marche jamais. Je pense à Arnaud Cathrine qui, dans Nos vies romancées, racontait qu'à chaque rupture il relisait Fragments d'un discours amoureux, et qu'à chaque relecture il cochait des passages différents. Les romans d'Arnaud Cathrine, que j'ai tant aimé quand il prêtait sa voix à Sarah Kane ou qu'Eric Caravaca les adaptait au cinéma. Je n'ai pas tellement changé depuis toutes ces années. 


dimanche 3 mai 2015

10 -



Rémi, 18 ans, a exilé son grand corps dégingandé dans le sud de la France, accompagné d'un petit carnet bleu où il compte rédiger son grand-œuvre (et dont il ne dépassera que poussivement la première page) : son poème. Mais l'inspiration ne vient pas et le tube de crème solaire est presque vide. Rongé par la solitude, Rémi cherche désespérément le mot qui déclenchera tout dans le dictionnaire, et se réfugie au cimetière quand le monde lui devient trop opaque.
Loin du trop surestimé Vincent n'a pas d'écailles, Rémi est un héros du quotidien, quelqu'un qui comme toi, ou toi, prend des râteaux, peine à se faire des copains et règne sur le royaume (dont je suis une fidèle sujette, mais c'est une autre histoire) des inadaptés sociaux.
Pour clore le film, Rémi Taffanel se permet de s'adresser à la caméra. On se rappelle de la morgue de Louis Garrel ouvrant Dans Paris par une citation de Salinger il y a bientôt dix ans. On se souviendra de la mélancolie contenue de Rémi Taffanel confiant qu'il n'est peut-être pas fait pour le monde tel qu'il est. 
 
 
 
Un Jeune poète, réalisé par Damien Manivel, sortie  le 29 avril 2015.

lundi 20 avril 2015

9 -



Pour la deuxième fois de la semaine, et la dernière fois de la saison, j'emprunte le parc André Malraux pour filer aux Amandiers. Sur place je panique un peu, jusqu'à ce qu'on nous réunisse en petit groupe pour nous mener derrière le théâtre, dans l'atelier où a été installée une boite dans laquelle se jouera Blasted.
Le dispositif atteint rapidement ses limites. Écouter la pièce au casque, ça commence bien, mais ça finit par être très inconfortable, surtout qu'on nous a assis sur de petits bancs de bois sans dossier. On se pose la question de la frontière entre théâtre et cinéma, particulièrement devant cette actrice blonde si merveilleuse, mais le si célèbre quatrième mur qu'on prend ici en pleine tête finit par me gâcher un peu mon plaisir. Le texte a été adapté, j'ai mal au dos, bref j'ai envie de rentrer chez moi. 
Les jours suivants, vues beaucoup de belles choses. A Chaillot, j'angoisse un peu dans le grand foyer avant le début de Vanishing Point, il fait très chaud et les adolescentes qui prennent place à côté de moi me font redouter l'heure et quart qui va suivre. Et puis finalement pas. Avec la jubilation contagieuse de celui qui aime ce qu'il fait, Marc Lainé interroge lui aussi les liens entre théâtre et cinéma. La mayonnaise prend, le rythme de la bande originale jouée en live emballe, moins de cinq minutes et tout le monde est séduit par le destin terrible et les rêves de Suzanne. A Alfortville, c'est Camille de Sablet qui emporte le coeur de toute la salle dans le 20 novembre, un monologue ultra âpre de Lars Noren où Sebastian Bose prévient : il se tuera, mais il emportera ses anciens bourreaux d'école avec lui. J'en ressors sonnée, bouleversée par la délicatesse de celle qui aura réussi à faire répondre une jeune fille du public. 
L'exposition de Jérôme Zonder à la Maison Rouge, enfin,  m'emballe autant qu'elle m'angoisse un dimanche après-midi où le soleil cogne. Au milieu d'une forêt dense dessinée sur des bâches recouvrant les murs et le sol pour l'occasion, les images du conte cruel et onirique de Zonder s'enchaînent. Au milieu des images d'enfants ingénus mais ultra violents, armés de couteaux ou de bâtons qu'ils manient sur des camarades, un couloir intégralement noir à traverser. Terrifiant.

jeudi 2 avril 2015

8 -



Mardi matin, tombée du lit avant six heures à cause d'un cauchemar, café, café, café, Ethan Hawke qui flashe sur Julie Delpy dans un train en Autriche, encore du café, métro jusque chez le docteur, Julie Delpy qui retrouve Ethan Hawke dans une librairie parisienne, la fatigue, la fatigue, la fatigue.
Le soir, je prends mon tour dans la longue file qui traverse le parc André Malraux en direction des Amandiers, à Nanterre, pas très rassurée (ni la file, ni moi) à l'idée de nous perdre et de ne jamais retrouver notre chemin. C'était sans compter sur la pièce qui nous ôtera à tous l'envie de retraverser le parc en repartant. Sur scène, une pom pom girl s'entraîne avec un type bizarre qui veut la tuer dans une forêt, la nuit. Hyper esthétisant et franchement dérangeant, j'entends malgré la musique assourdissante plusieurs sièges claquer tout au long de la représentation. Après avoir manqué de s'étouffer dans les nappes de brume qui envahissent littéralement la salle, les applaudissements se font mous et ma voisine, traumatisée et venue seule elle aussi, se tourne vers moi pour s'épancher un peu sur ce à quoi nous venons d'assister. Elle est Nanterrienne (pas moi), elle a pris un abonnement cette année (moi aussi), elle a vu quasiment tout ce qui est passé aux Amandiers depuis l'ouverture de la saison, et pendant quelques minutes nous échangeons nos impressions sur Florence Giorgetti magistrale dans Violentes Femmes, sur la mise en scène ultra chic de La Mouette par Frédéric Bélier-Garcia, et notre impatience de voir Blasted, monté par Karim Bel Kacem pour quarante spectacteurs à chaque fois, la semaine prochaine. 
Pour me remettre de mes émotions je lance un Brisseau, pas bien au fait de ce à quoi ressemblent ses premiers films. Je regrette au bout de cinq minutes, quand la jeune femme défenestrée a un bout de cervelle qui a coulé sur le bitume, mais je tiens jusqu'au bout. Pascale Ogier, Rosette et Marie Rivière n'arrivent pas à me consoler, je passe une heure trente à redouter ce qui va bien pouvoir se passer ensuite, sans jamais être déçue, tout est de pire en pire. Rude semaine.